Fin du développement durable – Objectif résilience !
Parlons de développement durable. La durabilité, c’est assurer nos besoins en utilisant les ressources de la planète de sorte que celles-ci restent intactes pour nos besoins à venir et ceux des générations futures. Ce n’est pas le cas. La situation n’a pas cessé de s’aggraver depuis les premiers accords de Kyoto.
Les désirs de croissance infinie dans un monde fini n’ont pas fondamentalement évolué, et cela s’est même aggravé car les pays émergents, généralement très peuplés, aspirent à notre mode de vie non durable. Et nous les encourageons à cela pour accroître le profit de quelques capitaines d’immenses industries.
La croissance verte n’existe pas. C’est un concept malin qui permet à chacun de ne rien modifier dans son mode de vie et sa soif de « plus » en continuant de consommer et de vendre tout ce qui peut l’être. Comme le démontre les 40 dernières années, la déesse « croissance » implique toujours plus de ressources fossiles, d’eau, et de saccage de la biodiversité. Ce n’est pas l’arrivée des ordinateurs, des flux d’information électroniques et autres progrès technologiques qui ont modifié quoi que ce soit. Au contraire, ces « progrès » ont permis une nouvelle accélération des échanges de biens, de services, des flux financiers et des spéculations de toutes sortes.
Les 30-40 prochaines années seront marquées par un nombre accru de crises, des crises menaçant la santé de nos populations et la stabilité de nos systèmes économiques et gouvernementaux.
La production de denrées alimentaires va devenir très difficile, pouvant entrainer un déclin de la population.
Je crois qu’il est maintenant trop tard pour éviter un enchaînement de crises mais il n’est pas trop tard pour apprendre à utiliser ces crises de façon à initier un changement positif. Il est trop tard pour le développement durable parce que nous sommes d’ores et déjà non durables. Mais il n’est pas trop tard pour réfléchir au développement « résilient » en mettant en place des mécanismes, des institutions, une culture, qui feront face à ces crises et qui les surmonteront ; tout en préservant des engagements élémentaires vis-à-vis de certaines valeurs comme la liberté, l’égalité, l’art….
La durabilité est possible quand on est sous le seuil de saturation. Mais quand on est au-dessus, on n’a pas d’autre possibilité que de redescendre. C’est pourquoi je pars du principe que le point de départ de ma réflexion n’est pas la durabilité, mais la résilience. Cela consiste à améliorer la capacité d’adaptation de l’humanité. Nous sommes comme la Grèce, qui, pendant une brève période, a bénéficié d’un niveau de vie élevé, en accroissant sa dette. Notre société a bénéficié d’un niveau de vie très élevé, en accumulant une dette écologique. Nous avons dépensé nos économies, les réserves accumulées au cours de milliards d’années : les réserves de pétrole, d’espèces variées, de sols à vocation agricole, d’eau potable… Nous sommes en train de les épuiser. Et bientôt, nous allons devoir réduire nos dépenses jusqu’à un niveau durable. Cela ne vient pas de moi. C’est le résultat de travaux empiriques menés par une foule de gens différents aux compétences multiples. Evidemment, on peut dire qu’il n’est pas très motivant de faire entrevoir aux gens un avenir négatif, je suis d’accord. Mais d’un autre côté, vous savez, il n’est pas très utile non plus d’envisager une chose qu’on sait impossible. C’est une débauche de temps et d’argent en pure perte.
Un grand nombre d’organismes et d’individus tirent profit du système actuel. Ils en retirent énormément de pouvoir et d’argent. Ils vont donc batailler ferme pour contrer tous les efforts visant à changer ce système. L’industrie pétrolière par exemple tente de nier les changements climatiques et les pollutions occasionnées par leurs extractions. L’industrie chimique, quant à elle, occulte les questions liées à la pollution des nappes phréatiques, et ainsi de suite… Je crois qu’ils parviendront à leurs fins parce qu’ils ont le pouvoir et l’argent. Ce que nous devons faire, nous qui sommes partisans du changement, c’est essayer de créer des îlots de développement alternatif qui peuvent exister au milieu d’un océan de non durabilité.
Qu’est ce que ça signifie concrètement ?
Prenons l’exemple du système monétaire. A l’origine, la monnaie a été créée par les phéniciens pour faciliter le commerce. Puis, les mécanismes ont évolué pour permettre l’usage de la monnaie à des fins d’investissement. On faisait un placement afin d’avoir plus d’opportunité à l’avenir. Récemment, le but est d’engranger de la richesse avec la finalité de créer de la richesse. Aujourd’hui, l’argent est principalement utilisé à des fins spéculatives. C’est un jeu de hasard. Les gens l’utilisent pour essayer d’augmenter leurs revenus financiers à court terme. Je ne pense pas que l’on puisse résoudre les problèmes globaux avec le système monétaire actuel. Mais si j’essayais de modifier ce système monétaire, les banques et une foule d’autres gens s’y opposeraient aussitôt et ils auraient gain de cause. En revanche, je peux créer au sein de ma propre communauté un système monétaire local. Ce système local existerait en parallèle pour faciliter le commerce et ramener des ressources productives sur le marché. Voilà une façon de créer un îlot de développement alternatif au milieu d’un océan de non durabilité. Ce système monétaire local ne remplace pas le système financier en place, il existe de manière complémentaire. Si jamais le système financier actuel venait à s’effondrer, on disposerait alors d’une alternative concrète.
Toujours sur un plan économique, je participe depuis un an et demi avec un petit groupe de citoyens au développement d’un SEL (Système d’Echange Local) à AUCH. Le SEL D’AUCH compte aujourd’hui plus de cent adhérents qui échangent des biens et des services à l’aide d’une monnaie d’échange que nous appelons « grain de SEL ». Le volume des échanges ne cesse d’augmenter et permet à de nombreuses personnes d’accéder à des services, des soutiens, des objets de premières nécessité qu’ils ne pourraient pas s’offrir sans le SEL (pour faire partie du SEL D’AUCH ou se renseigner : 05 62 61 94 54 ou sel32000@laposte.net).
Par ailleurs, la souveraineté alimentaire est une question centrale. Il me paraît primordial de s’attacher à promouvoir le jardinage communautaire pour que les gens apprennent à produire leur propre nourriture. En outre, il me semble possible sur notre territoire de trouver des solutions de mutualisation des terres agricoles afin d’aider les agriculteurs bio à s’installer localement sans subir le poids du foncier (voir le modèle « terre de liens »). Les territoires non préparés subiront de plein fouet la hausse des prix de l’alimentation, la chute de la logistique alimentaire et de la grande distribution, la fin de l’agriculture pétrochimique et sur-irriguée !
Le problème de l’eau sera également majeur. C’est pourquoi il est important, dans une réflexion sur la résilience locale, de se poser la question des ressources et des usages de l’eau, ainsi que des solutions de traitement (pompage, traitement, distribution et traitement des eaux usées). L’association « Eauch bien commun » oeuvre en ce sens.
Enfin, la question de l’isolation des habitations est essentielle car nous devons réduire rapidement et drastiquement notre dépendance aux énergies fossiles. Par exemple, le mouvement citoyen « village cocooning » apporte de l’aide aux habitants des villages de France pour trouver les solutions techniques et financières afin d’isoler le plus grand nombre de maisons et bâtiments de leur commune. Cinq habitants se réunissent pour isoler ensemble la maison de chacun. Un artisan est désigné par les organisateurs de Village Cocooning. Il s’agit d’un professionnel de l’isolation écologique, membre du mouvement. Il vient aider pour réaliser le premier chantier participatif (www.village-cocooning.com).
Voilà quelques exemples d’actions concrètes qu’il faut mener en priorité…
En guise de conclusion, je reprendrai les propos de Benoit Thévard : « je crains que nous ne parvenions pas à faire changer de cap un Titanic à pleine vitesse. En revanche, rien n’empêche de quitter le navire avant le choc. Plus les personnes seront nombreuses à se sauver en chaloupes, plus le bateau sera allégé et maniable ».
Patrick ADDA